Ragnar FRISCH, le négligé

Un grand économiste et économètre souvent négligé

Norvégien, Ragnar Anton Kittel FRISCH naît dans une famille d‘orfèvres célèbres. Poussé par son père à poursuivre une tradition familiale qui remonte au début du XVIIème siècle, il commence d’ailleurs lui-même comme apprenti orfèvre, avant d’être poussé par sa mère à étudier l’économie à l’Université d’Oslo, où il obtient sa licence à 24 ans. Ayant tôt fait de comprendre que les voyages et la diversité des cultures est une précieuse source d’enrichissements, il se rend en France entre 1921 et 1923 pour y perfectionner ses mathématiques. Il dira d’ailleurs souvent que la France est son deuxième pays. Puis, en 1923, il se rend en Angleterre, séjourne ensuite en RFA (1927-28), aux USA et enfin en Italie, avant de rentrer en Norvège pour y obtenir une chaire de professeur (1931) et de prendre ensuite la direction de l’Institut d’Economie, qu’il gardera jusqu’à sa retraite en 1965. Méconnu de nos jours malgré le prix Nobel qu’il partage en 1969 avec le Néerlandais Tinbergen.
Frisch n’a en effet guère œuvré personnellement à faire sortir ses travaux de l’Université d’Oslo, travaux fort mathématisés par ailleurs, ce qui a pu en rebuter plus d’un. Il jouit néanmoins d’une indiscutable stature internationale du fait de :

  • sa notoriété comme spécialiste de la statistique mathématique (publiant en français dans
    Compte-rendus de l’Académie des Sciences, 1924-26) ;
  • son article qui fera date sur les cycles économiques (1933) ;
  • l’ampleur de son œuvre de plus de 6 500 pages ;
  • sa contribution décisive à l’institutionnalisation de l’économétrie comme nouvelle branche de
    l’économie.

Il fondera d’ailleurs en 1931 la désormais célèbre Société d’Econométrie, à laquelle il associe deux ans
plus tard la non moins fameuse revue internationale qu’il dirigera jusqu’en 1966 : Econometrica.

Un pionnier de la modélisation quantitative, par ailleurs très éclectique

La communauté internationale a sélectionné plusieurs contributions majeures dans l’œuvre de FRISCH :

1ère contribution : en microéconomie
FRISCH a contribué à perfectionner la théorie du consommateur en étudiant les fonctions de demande de façon très poussée, ainsi que les élasticités13 de la demande par rapport aux prix. En matière de théorie du producteur, il a fait progresser l’estimation des fonctions de production et l’étude des mécanismes de substitution entre capital et travail.

2ème contribution : en macroéconomie
FRISCH est avec STONE le pionnier des comptes nationaux, c’est-à-dire de la représentation schématique et quantifiée de l’activité économique d’un pays, ce qui explique que la Norvège ait été l’un les premiers pays à adopter une telle approche, qui s’est depuis largement généralisée. Il a également étudié les politiques économiques et le cycle des affaires notamment. La question des points de retournement (donc des « crises » stricto sensu) l’a beaucoup occupé, de même que la recherche de tendances (trend) et d’emboîtement autour d’elles d’une composante cyclique (dite « réelle ») et d’une composante résiduelle (dite « erratique » ou « aléatoire »).
Il en déduit la théorie de l’impulsion et de la propagation des fluctuations suivante : on trouve, d’abord, à l’origine de la fluctuation des choix erratiques exogènes ainsi que les grappes discontinues d’innovations schumpétériennes ; puis, contribuent à propager les ondes de choc du cycle l’accélérateur d’investissement, les décalages dans la production des biens et l’imparfaite élasticité de la demande de monnaie et de l’offre ; enfin, il remarque que c’est la production de biens d’investissement (ou intermédiaires) qui est le plus soumise aux fluctuations.

3ème contribution : en économétrie
FRISCH a théorisé l’économétrie (créée en 1919 par Pawel Ciompia) qui consiste à tester (notion de « test statistique ») les modèles économiques et a fait progresser l’analyse de la corrélation multiple, en aidant à distinguer la multicolinéarité (c’est-à-dire l’interdépendance des variables agissantes) de la causalité véritable.

4ème contribution : en mathématiques appliquées
Enfin, FRISCH fait partie des fondateurs de la programmation linéaire, donnant notamment naissance à une méthode de résolution d’un programme linéaire dite du « multiplexe » et du « potentiel logarithmique », qui permettent toutes deux d’élucider des cas, fort nombreux en économie, où de nombreuses contraintes rendent le problème complexe.

FRISCH apparaît donc bien comme un auteur prolixe et un véritable pionnier, relativement éclectique, dans de nombreux champs à la fois théoriques et appliqués de l’économie.