Von Mises, le précurseur libéral

Le patron de l’Ecole de Vienne

Théoricien prolifique, MISES est le co-fondateur de la société du Mont-Pèlerin et de la praxéologie ou étude de l’action humaine. Né en 1881 à Lamberg en Autriche-Hongrie, MISES devient docteur en droit et sciences sociales à 25 ans. Professeur réputé, il enseigne d’abord une vingtaine d’années à Vienne avant de fuir le nazisme en 1938 à Genève, puis aux USA, jugeant le menace allemande encore trop proche. Auteur de 19 livres, MISES défriche surtout trois grands domaines :

La théorie économique

Théoricien marginaliste issu de l’Ecole autrichienne, il fait de l’économie en « individualiste méthodologique », c’est-à-dire qu’il considère la discipline comme la science des choix, de l’action et de la décision et insiste sur les préférences subjectives des agents. Dès 1912, il tente d’écrire une théorie marginaliste de la monnaie qui rejette toute mesure absolue et indépendante des choix des individus. Fin épistémologue, il rédige en 1940 son chef d’œuvre : Human action, ouvrage dans lequel il enrichit sa pensée de réflexions monétaires, sur les marchés et les hommes en général.

La méthodologie en économie

De façon inséparable au point précédent, MISES a un souci constant de l’approche méthodologique sans laquelle aucune théorie économique ne tient. Son approche tient en trois piliers : individualisme méthodologique (l’individu l’emporte sur la société qui est moins que la somme des individus), marginalisme (raisonnement à la marge), subjectivisme (théorie de la valeur fondée sur l’estimation subjective à l’échelle de l’individu).

Le libéralisme, la monnaie et les cycles

Il consacre enfin certains ouvrages (comme Théorie monétaire et théorie conjoncturelle en 1926) à l’élaboration d’une théorie autrichienne monétariste des cycles, fondée sur la nécessité pour l’Etat de ne pas intervenir ni chercher à réguler l’économie de marché. Penseur libéral opposé au marxisme et au socialisme, il démontre qu’aucune planification économique rationnelle n’est jamais possible et que dès que les prix de marché sont supprimés (intérêt, change, etc.), ce sont le désordre, les gaspillages et les désajustements qui règnent ! Tout plan bureaucratique est aveugle et inefficace.

Textes et analyses de Mises

Pour MISES, le meilleur moyen d’étudier les phénomènes économiques consiste à se placer du point de vue de l’individu, qui est à la fois acteur et décideur. Cela le conduit de facto à attaquer frontalement le collectivisme et le holisme, pour défendre la démocratie et le fait majoritaire dans des pages que Vilfredo Pareto n’eût pas reniées… Par le terme de praxéologie, MISES insiste sur la rationalité économique individuelle à l’œuvre dans l’action de l’homme. Sa psychologie comportementale est téléologique, c’est-à-dire qu’elle postule que chaque individu oriente son action vers un but, une finalité, qui dépasse les contours du seul homo œconomicus centré sur son plaisir, mais qui révèle bien, dans l’action, ses préférences. Le nouvel individu calculateur de MISES s’inscrit donc dans le temps et rend bien compte de la préférence des individus pour les biens présents ; cela ne suppose pas pour autant que les choix se fassent sans incertitudes : MISES parlait plutôt d’un système complexe d’anticipations plus ou moins fiables, limité notamment par des coûts d’information qui obèrent la pleine rationalité économique des individus.

En conséquence, MISES a toujours rejeté le recours aux mathématiques en économie, au motif qu’elles donnent une illusion de modélisation des comportements des individus, ce qui était pour MISES purement impossible ou excessivement réducteur.

Comme nous l’avons déjà dit, l’un des grands apports de MISES est d’avoir affirmé en la démontrant la supériorité du marché concurrentiel sur le planisme : sans marchés libres, pas d’organisation économique rationnelle ! Il vise évidemment la pratique soviétique, le corporatisme et la Zwangswirtschaft allemande (économie planifiée) d’entre deux guerres, tous modèles qui en truquant les prix empêchent l’économie de fonctionner. MISES dénonce aussi au sein de ces systèmes l’absence de vrais entrepreneurs (au sens de Schumpeter), de marchés financiers (et donc de propriétaires de capitaux) et de l’épée de Damoclès de la faillite lorsque la firme connaît des pertes, le rôle d’aiguillon du profit y étant anéanti. Il n’aura pas de mots assez durs pour démolir les « pseudo-solutions » d’économie mixte à la Oscar Lange, qui font en réalité le lit des pires bureaucraties.