Faut-il vendre son immobilier parisien ? (extrait de Finance & Tic, N°22)

Question aigüe, réponse grave

Avant de répondre avec autant de précision que possible à cette épineuse question, rappelons que l’immobilier demeure un placement fiable sur le long terme (on entend généralement par long terme une échéance supérieure à 7 ans). Si vous êtes propriétaire à Paris (ou en petite couronne) et que votre horizon de liquidité est long, pas de panique, conservez, sauf exception (voir infra) votre bien.

Sur le graphique ci-dessous, on observe une baisse de l’immobilier parisien non seulement prévisible mais déjà à l’œuvre depuis août 2020 (- 4%), avec une accélération depuis l’automne 2021 (11 mois de baisse consécutifs). 38% du parc privé de la capitale est ainsi d’ores et déjà sous les 10 k€ du mètre, si bien qu’il commence à faire sens d’évoquer, ce qui est nouveau pour la capitale française, un véritable effet Baltimore, du nom de cette ville US de l’État du Maryland, frappée d’un « white flight », c’est-à-dire d’un exil vers la périphérie des classes les plus aisées, qui sont, aux États-Unis, massivement blanches. Nous en voulons pour preuve qu’à Paris 90% des logements neufs sont désormais des « logements pour tous » (ex-HLM) : Paris s’est pour ainsi dire vidé de ses classes moyennes, et si l’ouest et l’hypercentre parisiens restent très « gentrifiés », les autres arrondissements de la capitale sont déjà en voie de paupérisation rapide (nord, est, sud).

Le potentiel de baisse pourrait atteindre 15% sur le court et le moyen terme, soit un repli d’une ampleur analogue à la baisse de 2010-2015. Le taux de négociation des prix de vente est déjà à Paris presque 1,5 fois supérieur à la moyenne nationale (3,7% contre 2,69%) et l’écart avec la province voire la grande couronne ne cesse de s’accroître.

Pourquoi cette baisse ?

Deux raisons majeures ressortent : d’abord, et surtout, le « chartalisme », c’est-à-dire le recours indécent à la planche à billets qui, du fait de l’effet Cantillon, fait en premier lieu monter les actifs financiers (bourse) et l’immobilier qui se retrouvent donc depuis la crise des subprimes en économie de bulle ; ensuite, la politique sanitaire et ses confinements (inutiles) à répétition ont suscité un début d’exode urbain vers la grande couronne en Ile-de-France, voire en province, le rapport du Parisien à son logement changeant, tant en termes de superficie que d’espaces jugés indispensables (dédiés au télétravail ou à la détente comme un balcon ou une terrasse).

De fait, la demande a déjà baissé d’environ 10% par rapport à 2019 mais la motivation des acheteurs d’aujourd’hui est beaucoup plus nette.

Concrètement, la remontée des taux plombe déjà de 20% en moyenne la capacité d’emprunt des ménages, ce qui est susceptible d’aggraver la tendance baissière.

Des exceptions importantes

Quatre exceptions notables selon les caractéristiques du bien sont toutefois à intégrer pour savoir si vous êtes concernés par la nécessité de le vendre : d’abord les grandes surfaces, dont le prix ne baisse pas (+0,1%) ; ensuite, les biens de prestige, dont le prix de vente, compris entre 750 K€ et 2 M€, se maintient ; le prix des biens sans défaut ET avec un extérieur (balcon, terrasse, jardin…) est également en hausse, tandis que celui des produits sans défaut MAIS sans extérieur reste stable. Donc, sauf à posséder un bien présentant ces caractéristiques (vaste OU de standing OU sans défaut OU avec un extérieur), auxquelles j’ajouterais volontiers la localisation (hypercentre et ouest), la question de vendre se pose pour vous.

Moralité ?

Plus la vente va prendre du temps, plus les prix vont baisser et ainsi faire paniquer le vendeur…

Sauf besoin urgent de cash (ce qui pourrait plaider le cas échéant pour une vente en viager…) ou si votre bien est réellement menacé par l’effet Baltimore (bien dégradé, petit, mal localisé, plein de défauts, sans atouts, proximité d’un projet municipal voire privé contribuant à dégrader son environnement immédiat comme un centre pour migrants ou drogués), mieux vaut attendre le cycle d’après (entre le prochain retournement haussier et le prochain plus-haut), qui pourrait intervenir après 2025.


Florent Ly-Machabert