Faut-il redouter l’intelligence artificielle ?

L’IA accompagne et renforce l’expertise de l’humain

Nous vivons actuellement un âge d’or en matière de données et de technologies qui ne montre aucun signe de ralentissement. Les technologies d’intelligence artificielle continuent de s’améliorer : les modèles de machine learning traitent des milliards de lignes de données, les avancées en matière de traitement du langage naturel permettent de comprendre l’intention de l’utilisateur et les algorithmes deviennent de plus en plus rapides. Nous assistons à l’automatisation de tâches simples et répétitives, permettant aux utilisateurs de se concentrer sur ce qu’ils savent faire de mieux : appliquer un raisonnement critique et comprendre les données en contexte, ce qu’aucune IA n’atteindra jamais. Cette accélération de l’innovation s’accompagne d’une augmentation des investissements en matière d’IA et de l’adoption de ces technologies. Si l’IA crée des opportunités nouvelles, la plupart des investissements réalisés n’a pas encore généré de valeur. Les sociétés investissant dans ce changement sont 60% plus susceptibles d’indiquer que l’IA dépasse leurs attentes, et 40% plus susceptibles que les autres d’obtenir des résultats positifs. Les responsables métier ont la possibilité de mener des stratégies data et IA de manière contextualisée. Pour que l’IA soit pertinente, gérable et transparente, elle doit impérativement responsabiliser les utilisateurs. Nous allons assister à un basculement des solutions IA, d’une approche d’étude de faisabilité vers un déploiement à grande échelle avec des métiers spécifiques. Différents secteurs développent et utilisent l’IA de manière innovante. Une étude de KPMG a analysé le déploiement de l’IA dans cinq secteurs (retail, transports, santé, services financiers et technologies), et montre que 91% des participants du secteur de la santé considèrent que l’IA facilite l’accès aux soins pour les patients. Et même si la plupart des entreprises gèrent elles-mêmes leur chaîne d’approvisionnement, celles qui adopteront l’IA au cours des mois et des années à venir se démarqueront nettement de la concurrence, selon la prestigieuse Harvard Business Review. Sam Altman, le créateur de ChatGPT, a indiqué récemment qu’une trentaine de métiers, ceux réclamant bon sens, qualités manuelles et créativité notamment, ne seront jamais substitués.  

La formalisation d’une utilisation éthique des données et de l’IA

D’ici 2025, les réglementations devront se focaliser sur l’éthique, la transparence et la confidentialité de l’IA, afin de stimuler la confiance et la croissance, et de garantir un fonctionnement optimal. En raison de l’accélération de l’adoption de l’IA, les approches universelles ne sont plus adaptées. Les organisations peuvent définir la façon dont elles développent et utilisent les données et l’IA de manière responsable, dans un contexte qui évolue rapidement. Chaque entreprise a pour responsabilité civique de concevoir des solutions IA équitables et précises. Aujourd’hui, plus que jamais, l’innovation, la croissance et les relations avec les clients doivent s’appuyer sur une base de confiance et de transparence. Certains ingénieurs spécialisés en IA plaident même pour un moratoire en la matière. Les crises récentes liées aux données donnent par ailleurs un aperçu des usages nuisibles de la technologie, avec notamment les discriminations en matière de reconnaissance faciale ou de traitement des demandes de prêt. ChatGPT répond par ailleurs de façon très orientée à certaines requêtes, ce qui laisse planer le doute sur sa neutralité idéologique. Ces crises poussent notamment, le public à attendre des entreprises qu’elles adoptent une démarche sécurisée et responsable dans le développement et l’utilisation des données. Une étude menée par Cisco en 2021 montre que 72% des participants considèrent qu’il est de la responsabilité des organisations d’utiliser l’IA de manière strictement éthique.

Les entreprises ne doivent pas se limiter aux compétences analytiques et aux formations sur les outils

Le développement d’une réflexion statistique est devenu indispensable aujourd’hui. Chacun doit être en mesure de synthétiser des données pour faciliter la prise de décision, donner du sens au contexte qui nous entoure et préparer l’avenir. Les investissements en matière de technologie et d’IA augmentent, et il est indispensable de développer les compétences des employés pour tirer pleinement parti de ces investissements. Selon PwC, l’IA devrait contribuer à une croissance de l’économie mondiale de plus de 15 000 Mds $ dollars d’ici 2030. L’automatisation transforme les emplois plus rapidement que prévu, elle entraînera une transformation de 85 millions d’emplois d’ici 2025, 300 millions à terme. La moitié des employés devront mettre leurs compétences à niveau dans leur rôle actuel au cours des 5 prochaines années. La demande en matière de compétences analytiques explose, comme l’indiquent les responsables RH, les compétences analytiques, pour l’analyse et la data science, sont en tête des compétences les plus recherchées en 2021. Nos interactions générant de plus en plus de données, il devient nécessaire pour les employés de disposer de compétences data et analytiques de base, sans pour autant devenir nécessairement des data scientists. Pourtant, le chemin est encore long avant de pouvoir tirer parti des avantages d’un personnel formé à la data. En effet, le marché doit composer avec des lacunes en matière de compétences analytiques, mais aussi en matière de programmes de formation en data literacy, en entreprise comme dans l’enseignement supérieur. On estime que seuls 43% des « digital natives » considèrent qu’ils disposent des compétences adéquates. Selon Forrester, moins de la moitié des établissements d’enseignement supérieur ont lancé des initiatives de formation en data literacy. Bon nombre d’entreprises adoptent une approche à court terme en embauchant pour combler des besoins immédiats plutôt que d’investir dans le développement à long terme d’une culture des données et de la data literacy. Un long chemin reste à parcourir.

Florent Ly-Machabert