Quelques mots-phares pour la tempête qui vient

Quand on prend le temps d’explorer, via une quarantaine de modèles que nous vous exposons dans notre second mensuel Signal & Tic, notre monde extérieur, comme notre monde intérieur, en tentant à chaque fois d’abord de l’expliquer, puis, si possible, de le changer, trois mots-clefs ressortent, qui résonnent singulièrement après les « années Covid » – années volées – que nous venons de traverser.

Tout d’abord, le mot attention. Notre attention – notre concentration, notre vigilance – est devenue un marché et les grandes firmes du capitalisme de connivence, celles qui copinent avec l’État, se l’arrachent. Nous obnubiler pendant presque trois ans avec le Covid était leur obsession, pour tout digitaliser, absolument tout, quels qu’en soient les effets secondaires, les « externalités négatives » pour parler en économiste. On pourra lire avec intérêt le dernier ouvrage de G Bronner – sociologue pourtant ouvertement macroniste – mais qui décrit très bien le hold-up cognitif en cours (sauf qu’il en conclut qu’il faut verrouiller les réseaux sociaux…) : Apocalypse cognitive.

Ensuite, nous gagnerions à retrouver le sens de l’effort – voire de la douleur – en toutes choses. J’écrivais déjà en 2007, dans un ouvrage préfacé par un L Wauquiez qui venait tout juste d’être Young Global Leader mais qui n’avait pas encore fait son coming out liberticide (il teste désormais la reconnaissance faciale dans les transports collectifs de Rhône-Alpes/Auvergne… mais ne vous inquiétez pas : « c’est français, c’est la police française »), j’écrivais alors, disais-je, en Omar Raddad de l’économie, que « le consumérisme nous a tuer », c’est-à-dire qu’à force de ne plus faire d’efforts, à force d’avoir tout, tout le temps, à portée de bras, de clics ou de carte bancaire, nous avions fini par occire le mérite. Ce temps est révolu et il nous faut à présent nous retrousser les manches, en exploitant le meilleur de la technologie et en en abandonnant le pire, pour recréer du lien social. Du vrai lien social. Humain, pleinement humain. Quelques mots clefs riment avec cet effort, voire cette douleur qui accompagne tout changement d’époque, d’ère ou de cycle ; je les emprunte au physicien Ph Guillemant, dont je recommande chaudement la lecture de son dernier ouvrage (Le grand virage de l’humanité) : résilience, autonomie, solidarité.

Enfin, tout démontre que l’esprit critique et le libre arbitre doivent l’emporter mais que tout est fait actuellement pour les défaire. La nécessité de nous déconditionner n’a jamais été aussi grande et les entraves pour nous en empêcher également. Tout est à reconstruire, à commencer, peut-être, par ce qui nous semblait il y a encore trois ans aller de soi : la Science (la santé, la médecine), les Médias, l’École. Une réflexion, critique, elle aussi, doit intervenir pour redessiner les contours de l’État. Je prends personnellement ma part dans la reconstruction des deux dernières institutions, à travers Samarie & Cie et Le Courrier des Stratèges d’une part, via un projet de fondation d’une école indépendante dans le Bourbonnais d’autre part, où, d’ailleurs, je pars m’installer le mois prochain, tant je pense que nous arrivons, en France, à un point où il convient de “vendre la ville” pour “acheter la campagne”.

Il faut enfin apprendre à débattre et à se reparler.

Rien n’est plus urgent aujourd’hui.   

Florent Ly-Machabert