Peut-on se fier au calcul du taux d’inflation ?
Une question légitime
L’INSEE calcule périodiquement l’IPC, l’indice des prix à la consommation, représentée ci-dessus par la courbe noire épaisse, soit l’inflation « réelle » (ici, pour l’UE à 28 avant le brexit). Or, l’on constate que l’inflation perçue par les ménages européens lui est systématiquement (depuis 2007 sur ce graphique) et significativement (entre 5 et 12 pts de %) supérieure. Il est donc à ce stade tout à fait légitime de se demander si les calculs statistiques d’inflation sont fiables.

Deux hypothèses possibles
1ère hypothèse : il y a un problème dans la mesure du taux d’inflation par l’INSEE.
Première hypothèse, les ménages ont raison, ce sont bel et bien eux qui sont le mieux placés pour apprécier ce qu’ils dépensent et l’INSEE se trompe.
Plusieurs arguments vont en effet dans ce sens :
- Le panier de biens et services utilisé par l’INSEE pour mesurer les prix et ainsi calculer son IPC n’est pas public ! Il y a donc une certaine opacité, dont l’INSEE rend compte en expliquant que c’est pour éviter que les enseignes, découvrant que leur produit est dans la liste, ne soient incitées à ne pas en augmenter le prix.
- L’IPC est une moyenne et sans connaître l’écart-type ou les quantiles, tout bon mathématicien sait qu’elle n’est pas représentative (ex. le tabac fait partie du panier, alors que tous les Français ne fument évidemment pas).
- Le logement, qui figure dans la liste, semble être sous-estimé par l’INSEE qui le pondère à seulement 6% du panier.
- L’INSEE, pour tenir compte des innovations technologiques, inclut un effet qualité dans son calcul, c’est-à-dire qu’elle modère l’inflation de certains produits par le fait qu’ils montent en gamme.
- L’INSEE évince les comportements de substitution des consommateurs qui, pour ne pas subir l’inflation de certains produits, se tournent vers des substituts moins onéreux dont le prix ne varie pas ou moins.
- L’INSEE effectue ses calculs à retardement et inclut avec délai les nouveaux produits dans son panier (comme un abonnement Netflix).
2nde hypothèse : ce sont les ménages qui souffrent d’un biais (de perception)
Seconde hypothèse, les ménages ont tort, en ce qu’ils souffrent de multiples biais psychologiques,
- Concernant le logement, en réalité l’INSEE inclut également les charges, ce qui porte à 14% le poids du logement dans le panier.
- De plus, seuls 40% des ménages sont locataires et parmi les 60% de propriétaires, 2/3 n’a plus de crédit.
- Parmi les biais de perception, celui de la valeur moyenne des prix distordue par la vision que chaque ménage a de sa situation personnelle est bien documenté désormais en finance comportementale.
- S’y ajoute enfin le fait que l’effet négatif d’une hausse de prix (vécue comme une perte de pouvoir d’achat) a tendance à être surestimé par rapport à l’effet positif d’une baisse de prix dans une proportion identique voire plus grande, pourtant favorable au pouvoir d’achat. Cela dépend en effet, notamment, de la fréquence de l’achat (ex. la hausse du prix de la baguette est plus mal perçue et souvent très exagérée que n’est bien perçu la baisse pourtant drastique du prix de l’électroménager sur la même période).
En conclusion, nous pouvons donc répondre par l’affirmative ce mois-ci à la question posée et estimer que la méthodologie de l’INSEE dans son calcul du taux d’inflation via l’Indice des prix à la consommation est plutôt fiable et moins soumise aux biais que ne l’est l’inflation perçue par les ménages.